lundi 17 septembre 2012

Suite et fin du tournoi


Peu après le match contre l’armée, on nous apprend que l’on joue deux jours plus tard sur un terrain annexe contre l’équipe B des Jungle Crows, ça fait 3 matchs en 4 jours c’est pas mal ! Moi qui avait dit à mes joueurs qu’ils auraient du temps libre je dois les re-rassembler ! 

Donc nous voilà mercredi matin à tous prendre le taxi pour aller à l’autre bout de la ville, je ne prévois pas de jouer pour reposer mes jambes qui n’avaient plus l’habitude de courir ! 

Là on arrive sur le terrain et c’est vraiment une plaisanterie : c’est un terrain militaire avec des poteaux de foot. Et depuis 18 ans que je fais du rugby je pense que c’est le pire terrain que j’ai jamais vu ! 

Commençons par le centre du terrain : c’est dur comme la pierre et sans herbe, c’est l’endroit du « pitch » de cricket, un endroit supposé sec pour lancer la balle, quand on s’éloigne l’herbe arrive mais elle est vite noyée par la bouillase, tellement qu’au niveau des 22 mètres cette fange retenait des mares d’eau… verte… Continuons, en arrivant dans l’en-but, surprise le terrain descend de 20 cm vers des herbes hautes qui arrivent mi-jambes…

Après cet examen et entretien avec le coach de l’autre équipe, on est d’accord pour refuser de jouer sur le terrain pour des raison d’abord de décence mais surtout de sécurité. Les membres de l’organisation insistent pour que l’on joue me disant un aparté que ce serait une formalité pour mon équipe de gagner. Ce n’est pas la victoire que je cherche là, c’est la sécurité de mes joueurs ! On décide de rédiger une lettre conjointe avec l’autre entraineur en cas où ils nous forceraient à jouer. Pendant ce temps les officiels attendent les encore plus officiels pour prendre une décision. Après 20 minutes les arbitres britanniques et les officiels de l’IRFU apparaissent sur le terrain. Les arbitres avec lesquels j’ai sympathisé sont mort de rire à la vue du terrain et me font des faces qui vont dans le sens de ma décision, après discussion, nous n’avons pas à donner la lettre le match est reporté au vendredi matin 10h (la finale étant le samedi). Je profite quand même d’un terrain de cricket juste à côté qui était un peu plus décent pour faire courir mes joueurs.

La veille Jungle Crows qui nous a battu au premier match s’est qualifié pour la demi-finale.

Donc nous voilà de retour le terrain « officiel » le vendredi matin, ils ont bâchés le milieu de terrain ce qui ne l’empêche pas d’être une vrai pataugeoire. Le reste du terrain est acceptable, le match va se jouer. 
Rapidement mes joueurs prennent l’ascendant prouvant qu’ils n’ont rien à faire dans ce tableau. A la mi-temps, on mène 26-0. C’est à ce moment que je décide de faire tourner mon effectif pour reposer mes cadres en prévision du match du lendemain… Et là c’est le drame : en indiquant à un de mes joueurs « vedette » qu’il sort au profit d’un autre qui n’a joué que 5 minutes depuis le début du tournoi il s’emporte, disant qu’il ne sortira pas, que je dois en sortir un autre, là je suis vraiment surpris mais au fond le personnage est dans son rôle, c’est un gars qui a beaucoup d’égo et qui ne se prend pas pour un moins que rien. Donc je le raisonne mais il ne veut rien entendre, c’est à ce moment que Dave prend la parole et dit que c’est inacceptable, que je suis le coach et que l’on doit respecter mes choix. La l’indien dit qu’à cause de mes choix on a perdu le premier match (ça fait mal), et il dit ensuite « ok je sors mais je suis blessé pour le prochain match !». C’est dur d’enchainer là-dessus, je fais mon autre changement et laisse l’équipe. Je m’en vais directement parler avec ce gars pour lui demander ce qu’il lui prend, c’est une vrai tête de mule, il ne veut rien entendre.

La seconde mi-temps est anecdotique, les jeunes d’en-face étant fatigués, on déroule et on finit par 

s’imposer 57-0 plus gros scores du tournoi.

Pour le discours d’après match, je félicite les joueurs pour leur sérieux et les gars qui sont rentré pour leur niveau, j’ajoute que le comportement de la mi-temps du centre est inacceptable, et qu’à moins qu’il ne s’excuse devant tout le monde à moi et au groupe il ne jouera pas le prochain match. Tu te demandes après cet épisode à quoi tu as servi pendant un an avec tes valeurs du rugby, cet épisode en lui-même allait contre tout ce que j’essaye d’amener…

Bref, on est en finale de la consolante contre l’équipe de la police de Bombay qui est une équipe physique qui a un jeu stéréotypé autour de son 10 qui fait jouer ses avants.

Jungle Crows s’est fait battre par l’Armée Rouge la veille 40-8 et fini 3ème du tournoi, Bombay Gymkhanna battant dans l’autre demi-finale la police de Calcutta 40-3 (les deux finalistes avaient bénéficié d’un BYE en quart et n’avaient donc pas joué depuis dimanche alors que les perdant avaient joué le mardi…

L’après-midi, une réunion non-officielle de l’IRFU est organisée permettant à qui le veut de venir et échanger avec eux, ce à quoi je prends part avec plaisir. Et dire que je n’ai pas arrêté de poser des questions lors de la réunion serait exagéré mais je me suis fait entendre. Enfin les réponses étaient toujours les même et tournait autour de l’aspect financier, à croire qu’il n’y a que l’argent dans la vie… Finalement j’ai fait mes adieux à l’IRFU et tous m’ont remercié pour mon travail effectué, deux club m’ont même demandé si j’accepterais une proposition de leur part, ce à quoi j’ai répondu à l’affirmative, indiquant que désormais je cherchais un salaire, donc il faudrait accompagner la mission par un emploi qui puisse me financer.

Le soir je vais au cocktail des coachs et capitaines, tout ça est bien policé, et avec Gautam on décolle après une heure de dialogues pas franchement francs du collier.

Samedi, c’est le jour de notre finale, le coup d’envoi est à 13h30, et comme toute finale, la journée est longue. On arrive sur le terrain à 12h20 et j’indique à mes joueurs que l’on sortira des vestiaires à 12h45, mes gars sont décontractés, c’est normal ça n’est pas la grande finale et ce n’est pas notre objectif primaire mais je sens qu’ils vont faire un bon match. Personnellement je joue, prêt pour mon dernier match avec le club. De son côté le rebel de la veille était venu me trouver dans ma chambre pour s’excuser, et s’est ensuite excusé auprès de l’équipe. 12h45 on sort, et c’est à ce moment-là qu’un orage éclate avec une pluie diluvienne et des éclairs partout. Lorsque je remplis la feuille de match avant de rejoindre mon groupe pour son premier tour de terrain on me dit que le match est en fait à 13h45… Cela mets tout mon planning à l’eau (jeu de mot de circonstance !), je signale à mes joueurs d’aller se mettre alors à l’abris ça ne sert à rien que l’on s’épuise trop tôt. Pendant cette attente dans les vestiaires, l’orage redouble et à 13h05 quand je commence à resserrer mes joueurs dans le vestiaire les officiels nous font appeler. Après 150 mètres sous la pluie qui ont suffit à nous tremper on retrouve les officiels au sec, ils nous signalent qu’en raison de l’orage et pour conserver le terrain pour la finale, ils annulent notre match… Je demande, si j’ai une chance de les faire changer d’avis mais visiblement non… C’est vraiment frustrant !

Je retourne aux vestiaires la mort dans l’âme annoncer ça au joueurs qui même si ils sont globalement déçu le prennent plutôt bien et s’en vont serrer les mains de nos adversaires du jours. On se rechange et on va commencer la 3ème mi-temps plus tôt donc !

La pluie arrête de tomber vers 14h30, la finale entre l’Armée Rouge (tenante du titre depuis 5 ans) et Bombay Gymkhanna se jouera à 15h30. 

Pendant le match on met un peu l’ambiance, Thomas un ami français de Delhi qui était venu juste pour nous voir en finale joue de sa trompette, Paul chambre les équipe et on boit des bières en même temps, ambiance rugby quoi !

Après un match à suspense et dans la boue, Bombay Gymkhanna fait tomber le champion 7-0. Ils ont la particularité d’avoir fait venir pour la compétition seulement deux joueurs néo-zélandais à qui ils ont payé les billets d’avions et qu’ils dédommage financièrement…

A la fin du match, un de mes joueurs amène à moi un membre de l’IRFU que je connais plus par mail que directement, ce dernier me demande quand je pars pour la France, quand je lui dit que je pars le 24, il me demande si je peux repousser le vol, ils voudraient que je prépare et entraine l’équipe nationale féminine indienne pour le Pune 7s qui est un gros tournoi qualificatif  à la coupe du monde de rugby à 7 à Moscou… C’est une surprise, mais une bonne surprise ! Je ne sais pas quoi dire sur le moment, je demande un peu de temps de réflexion, et il est vrai que c’est une super opportunité, pour mon parcours, je ne suis pas sûr que cela se reproduire encore. Donc après en avoir parlé autour de moi, c’est unanime et décidé j’accepte la proposition ! Je devrais donc quitter Delhi plus tôt (jeudi) pour Pune qui est une ville proche de Bombay pour un camp du 20 septembre au 5 octobre, le tournoi étant les 6 et 7 octobre, je rentrerai en Europe le 8 ou 9.

La soirée s’est déroulée comme une 3ème mi-temps, je garderai les détails pour moi, seulement le réveil à 6h le lendemain matin pour prendre le train a été dur !

Voilà mon aventure va se prolongé et je vais essayer de partager avec vous cette opportunité qui m’est donné, moi jeune français de 24 ans qui va coacher l’équipe nationale indienne de rugby, même si c’est relatif, c’est quand même génial, je me demande si je vais pouvoir faire quelque chose d’intéressant ! 

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mardi 11 septembre 2012

Mauvais coaching? Excès de confiance? Pas assez de confiance?

Nous y voilà, l'évènement tant attendu est enfin là: les All India XVs cuvée 2012!

Voilà 4 mois que l'on se prépare pour cela et l'objectif est clair: remporter la compétition! Pour cela j'ai mis les petits plats dans les grands en faisant 3 entraînements par semaines, en faisant une sélection échelonnée et en multipliant les matchs.

A cause de ma blessure au genou, je n'ai pas pris part à la préparation en tant que joueur étant logiquement hors de la liste car cette blessure est censée être majeure. Mais au fil des semaines, les sensations sont revenues peu à peu, me permettant de trottiner, puis courir, ensuite muscler la jambe et enfin faire des appuis latéraux, le tout sans rechute et avec de bonne sensations.

Donc lorsque j'ai du annoncé la liste finale de 22 pour la compétition, s'est posé à moi un problème que j'explique dans le précédent article: dois-je jouer ou pas? A savoir, peut-être prendre un risque pour mon genou, dans une optique éthique, ne pas être équitable dans la mesure où je n'étais pas dans la liste initiale, mais à côté de cela il y avait tout le côté affectif personnellement parlant. Donc après avoir pesé les pour et les contres, j'ai mis à profit une nouvelle règle dans le règlement en me mettant en joueur de réserve dans la liste.

Donc après 25h de train, nous sommes arrivés vendredi matin à Calcutta pour jouer dimanche contre l'équipe locale des Jungle Crows. Toujours dans un souci d'équité, je prépare une équipe où le mérite par rapport à l'assiduité à la préparation et l'investissement fait alors est primordial. Je ne suis pas dans l'équipe parce qu'étant joueur en réserve, je pense que ça doit être les joueurs de la listes qui doivent jouer en priorité.

Le temps en arrivant sur Calcutta était chaud et humide mais le soleil était bien là, les matchs du samedi se sont déroulés sur un terrain très convenable, mais avant la fin du dernier match de la journée, la pluie a fait son apparition et a totalement ruiné le terrain.

C'est donc dans les même condition que l'on va joué notre match le dimanche, le centre du terrain étant devenu un vrai marais avec 5cm de boue et pas d'herbe. Cette équipe des Jungle Crows est composée d'indiens, pas forcement costauds mais très vaillants, rapides et habiles. Ils ont en renfort 2 fidjiens et 1 américains.

Ce match qui était largement à notre portée en temps normal s'est trouvé être un vrai calvaire, le terrain nivelant le niveau des joueurs, empêchant les envolées de trois-quarts et provoquant des multitudes d'en-avants. On domine toute la première mi-temps mais on ne parvient qu'à marqué 7 points alors que sur notre seule erreur de placage, les locaux marque un essai opportuniste. A la mi-temps on mène donc 7-5. La seconde mi-temps est toute aussi pénible à cause des conditions météo. Cette fois-ci, on prend la pression sur cette mi-temps. Mais paradoxalement c'est sur nos ballons que le danger vient, voulant alterner un peu, on essaye de déplacer le jeu, mais avec le ballon lourd et glissant, on commet des en-avant et on se prend un contre de 80 mètres qui conduit à un essai à 10 minutes de la fin: 10-7. C'est à se moment là qu'une pluie diluvienne se met à tomber sur nos têtes. On remet la main sur le ballon et on se remet à attaquer, et à 5 mètre de la ligne d'en-but sur un décalage sur l'aile, la dernière passe fini au sol et on se retrouve avec un nouveau contre des adversaires en poussant le ballon au pied, le retour au dernier moment d'un de mes joueurs empêche l'essai et nous donne un renvoi 22, mes joueurs ont le moral au plus bas, ils se mettent quand même à attaquer pour la dernière action. Là le coup de grâce s'abat sur nous, alors que le temps est fini, on se prend une interception qui finit en essai: score final 17-7...

C'est vraiment dur, pour les joueurs et pour moi, ça a vraiment du mal à passer, tu te demandes ce que tu as mal fait, ce que tu aurais du faire différemment, globalement, je ne peux rien reprocher à mes joueurs qui se sont donnés à font sans compter, la différence s'est faite sur des détails, un placage manqué, un en-avant, une touche pas trouvée, mais globalement on était meilleur que cette équipe, si on la joue sur n'importe quel terrain on peut les battre largement, mais ce n'était pas notre jour, pas notre match, tout le monde me parle de chance, je ne crois pas en la chance, enfin je pense que pour avoir de la chance il faut se la provoquer, on a donc pas su se la provoquer assez...

Donc suite à ce résultat, on se retrouve à jouer contre une autre surprise, l'Armée Verte (équipe B de l'armée qui était tête de série numéro 3 alors que nous étions 4) le lendemain (lundi). Soit un gros match en perspective dans les même conditions contre une équipe revancharde. Qui plus est le perdant de ce match sera relégué en 2nde division l'année d'après...

Donc pour ce match, je fais un peu tourner mon effectif et je rentre dans l'équipe en numéro 10 (mon 10 habituel ayant une douleur au poignet je l'ai fait passer à l'aile car c'est mon capitaine et j'ai besoin de lui sur le terrain).

Là je dis simplement au joueur l'enjeu du match, qui est suffisant pour les motiver sans avoir à en rajouter. Personnellement, mon genou ne me tire absolument pas, je l'ai quand même gaîné avec un bon strap.

Dans des conditions similaires que la veille, on arrive à leur mettre la pression, si notre mêlée est chahutée, notre touche est sereine et via mon jeu au pied on arrive à les mettre sous pression. A la mi-temps on mène 5-3 après qu'ils nous aient offert un essai en tapant sur notre ailier qui n'avait personne en face de lui.

En seconde mi-temps on continue notre alternance, n'hésitant pas à se faire des passes et le résultat se fait voir immédiatement, le plan de jeu est respecté et on inscrit 3 essais sur les ailes après des actions de 2-3 minutes. On gagne 22-3. Soulagement.

Je ne peux pas vous dire si le résultat aurait été différent sans moi, mais des voix se font entendre disant que j'aurai du jouer le premier match, que le résultat aurait été différent... Donc là c'est un vrai coup que je reçois, me serais-je trompé? A vouloir satisfaire tout le monde par mon coaching, aurais-je nuis aux performances de l'équipe? Devrais-je être plus autoritaire et trancher des décision plus catégoriques?

Donc il nous reste normalement 2 matchs à jouer la demi de la coupe des perdants du premier match et la finale. Gagner cette Plate est un minimum, mais je ne suis pas sur de la conduite à tenir.

En attendant on profite de Calcutta, on se repose de ces deux jours intenses physiquement et mentalement parlant.

Cette défaite du premier jour m'a vraiment mis un gros coup au moral, tout le travail d'une année qui s'enlise dans la boue et qui remet en question tout le travail fait.

Est-ce que je me trompe depuis le tout début?

lundi 3 septembre 2012

Une aventure au féminin


Avait lieu les 1er et 2 septembre la compétition nationale de rugby féminin, 1ère et 2ème division, c’est la seule occasion que l’on a dans l’année de jouer avec nos féminines. Mes féminines dont l’équipe existe depuis maintenant 3 ans avaient terminé l’an passé à une pauvre 9ème position en seconde division ce qui équivaut à une des dernière équipe du pays...

Je suis arrivé il y a un an et depuis je m’occupe avec Kuldeep d’elles. J’ai essayé de rester simple dans ce que je leur demandais en insistant sur la logique de jeu et la simplicité. Donc pendant toute l’année on a travaillé dur, certaines se sont blessés, d’autre ont pleuré, toutes ont sué et parmi elles, aucune n’a pas progressé.

Donc une semaine avant la compétition j’ai donné une sélection de 10 joueuses qui allaient partir dans l’Orissa pour participer à la compétition nationale et essayer de faire mieux que l’année passée, mais surtout vivre une expérience rugby qui les changera assurément de leur quotidien.


Le départ se faisait en train le jeudi matin pour les filles qui étaient accompagnées de William (un joueur de l’équipe) qui a fait office de manager. Personnellement, ce n’est pas très « club » mais j’y suis allé en avion le vendredi soir pour pouvoir avoir plus de temps pour préparer la compétition avec les hommes qui se profile la semaine prochaine.


Donc le vendredi soir, je retrouve les filles et William dans notre « logement » qui est au même endroit qu’en janvier quand j’étais venu avec mon équipe B pour disputer la seconde division masculine : dortoir et salle de bain commune pour toute l’équipe, matelas en polystyrène de 3cm d’épaisseur et moustiques à gogo !

Immédiatement, je vais à la réunion des coachs où je retrouve des visages connus dont Nasser Hussein le fameux capitaine de l’équipe d’Inde qui travaille pour l’IRFU… Là je découvre le « tirage », on est 9 équipes dans la division 2, réparties en 3 poules, les équipes à l’issus des matchs de poules seront classées de 1 à 9, les rangs 8 et 9 feront un match de barrage et le vainqueur complètera le tableau final des quart de finale. Dans notre poule on retrouve Bangalore qui fait un peu tache dans la division car c’est une équipe de première division qui a 4 joueuses de l’équipe d’Inde mais vu qu’elles n’étaient pas présentes l’année passée, elles ont été mise en 2nde division, donc en plus de ce gros poisson, on se retrouve avec Uttarakhand qui est une région indienne où là filles jouent au rugby depuis… 10 jours !

Retour avec les filles, je les briefe,  j’établie les règles du groupe et annonce le programme de la journée suivante. L’ambiance est bonne, les filles sont contentes d’être là et motivées pour la compétition.

Le réveil théorique le samedi matin était à 7h, certaines filles sont réveillées à 5h… Et biensur comme les garçons ces dernières ne connaissent pas le respect des gens qui dorment et foutent un sacré bordel à papoter et faire des aller/retours dehors.  Bref, à 7h tout le monde émerge, on va déjeuner et ensuite se préparer, match à 9h20 contre Uttarakhand.


Même si je sais que c’est une équipe à notre portée, je veux quand même nous rassurer et je mets une grosse équipe pour jouer, les filles sont concentrée, l’échauffement est studieux, j’insiste comme depuis plusieurs jours sur la notion de groupe, de jouer toutes ensembles. Résultats : elles me font un match très propre contre une équipe qui ne connaissait pas le sport il y a dix jours, c’est normal vous me direz, mais elles jouent ensemble et ne rentre pas dans la facilité. Cela me permet de donner du temps de jeu à toute et économiser mes cadres, score final 44-0 (qui restera le plus gros score de la compétition les deux divisions confondues).


Prochain match à 15h, j’envoie mes joueuses se reposer. Pendant ce temps, j’arbitre 2-3 matchs et sympathise avec les différentes équipes encourageant les jeunes filles et discutant avec les coachs.

14h, je retrouve les filles pour notre finale du jour, elles rentrent vraiment bien dans leur préparation, c’est un match particulier pour moi car c’est mon ancien club et d’autant plus pour Rani de mon équipe car elle jouait encore là-bas il y a 3 mois et elle s’est décidé au dernier moment de jouer avec nous. Bangalore a battu Uttarakhand 39-0 et comme je l’ai dit plus haut fait figure de favorite de la division 2. Mes filles que j’ai bien préparé et remonté, me sortent un super match, marquant de super essais collectifs, on menait 15-0 quand j’ai fait tourner mon effectif, les filles de Bangalore marquant un essai tardif, le score final est de 15-5. Nous sommes classé première équipe à l’issu des poules, tout le monde est surpris de notre niveau et les filles sont folles de joie, on se prend à croire à une victoire finale…

On finit la journée tranquillement jusqu’au dîner.  C’est à ce moment qu’une dispute éclate entre deux filles du groupe, les deux se séparent en pleurant… Alors  en coach soucieux, je veux savoir ce qu’il se passe, je vous avouerais que je n’ai pas tout compris, il y avait une troisième fille dans l’histoire et il y avait une grosse incompréhension car toutes voulaient arriver au même point… Elles ont fini finalement en larme à se serrer dans les bras et à se dire pardon… Bref, tout est bien qui finit bien… On passe le reste de la soirée à faire un petit jeu et à 22h extinction des feux.


Cette fois-ci les filles ont compris et respectent le sommeil des autres. Notre match est à 10h et se fera contre le Rajastan qui a battu Uttarakhand. Etant une équipe modeste, j’en profite pour faire tourner mon objectif et faire jouer les filles qui joueront moins par la suite. J’insiste beaucoup en préparation sur le fait que l’on n’est pas arrivé, tout repart de 0, aujourd’hui c’est un nouveau jour. Malgré cela on fait un match poussif, où chacune veut faire la sienne, elles ne jouent pas ensemble et il y a peu de soutien, on gagne quand même 20-5 mais on perd beaucoup sur ce match, mon ailière titulaire, Priya qui est la fille la plus rapide de l’équipe et qui jusqu’à présent avait marqué 4 essais en 2 matchs s’est blessé assez sérieusement à la cheville…


C’est un gros coup dur pour l’équipe, les filles sont vraiment déçues pour elle mais on a l’espoir que ça aille mieux plus tard dans la journée… On se prépare ensuite à jouer la demi-finale contre l’équipe des Magicians de Bombay, sur ce match pour ne pas reproduire les erreurs du précédent je demande aux filles de jouer ce match pour les autres, pour toutes les personnes autour d’elle,  je les sermonne qu’elles n’ont pas le droit de jouer seule ou de laisser une copine toute seule. Le match est très appliqué, de sorte que les filles de Bombay n’ont pas touché une balle de la mi-temps, cependant on ne mène que 5-0 car on s’applique trop et on n’est pas tranchant, je règle un peu la mire en seconde période et on atteint la finale en gagnant 22-0, finale que l’on jouera contre… Bangalore!

Hélas Priya ne se remet pas de sa blessure qui même commence à gonflé, j’espère que ce n’est pas trop grave… Cette nouvelle touche énormément les filles, qui sont vraiment anéanti pour Priya car si une fille mérite de jouer c’est bien elle car elle est exemplaire aux entrainements et dans le groupe.


C’est sur cette note que j’attaque mon dernier discours avec les filles, et c’est aussi avec émotion que je le fais car c’est mon dernier match avec elles et j’ai une petite pointe au cœur car elles sont vraiment attachantes et sincères. Certaines ont les larmes aux yeux pendant mes mots, mais toutes savent ce qu’elles ont à faire le moment voulu. 


Le match commence de la meilleur des manières, on arrive à mettre les filles du sud de l’Inde sous pression et on parvient à marquer un essai plein de roublardise par notre 9 Babli qui prend un petit côté. L’essai est transformé. Peu avant la mi-temps, sur une balle au large, l’ailière adverse que Priya avait muselé au premier match se sent pousser des ailes et fait marcher sa vitesse pour se retrouver 60 mètres plus loin derrière notre ligne d’en-but… Mi-temps : 7-5. Les filles sont encore dans le match même si je sens que le doute est présent, je leur dit de tout donner. Peu après la reprise, la même ailière refait marcher la poudre et finit sa course de 50 mètre en terre promise : 10-7. C’est alors le tournant du match, suite à une série de pilonnages, Neha arrive à s’extirper d’un plaquage et prend l’intervalle, elle n’a plus qu’à courir les 30 mètres qui la sépare de l’en-but. Mais c’était sans compter sur la défense adverse qui la reprend à 10 de la ligne, le soutien étant en retard, Neha doit lâcher la balle, et sur la même action, le ballon part à l’aile, et notre bourreau du jour, se retrouve 90 mètres plus loin pour nous achever, 15-7, la messe est dite. Priya est en pleure car elle sait très bien que si elle avait était là, l’ailière adverse n’aurait pas autant brillé, mais c’est le sport, la déception ravalée je rassemble les filles et leur dit qu’elles  n’ont pas à rougir, qu’elles ont tout donné et que par rapport à l’an dernier c’est énorme leur marge de progression, et qui plus est, en atteignant la finale, elles accèdent à la 1ère division où elles ont largement leur place.


La finale de la première division est remportée par l’équipe de Pune, qui est assez impressionnante, plusieurs joueuses de l’équipe sont en équipe d’Inde et ça se voit, elles ont une aisance technique, une vitesse d’exécution et une agressivité qui rendrait jalouse plus d’une équipe  masculine dans le pays.

La remise des prix suit la dernières finale, les filles sont contentes malgré tout, elles ont retrouvé le sourire et la cerise sur le gâteau vient quelques minutes après avec l’annonce des sélectionnées pour un camp d’entrainement à l’équipe d’Inde en vue d’un tournoi qualificatif à la prochaine coupe du monde féminine à 7, dans cette liste figurent Namita, Babli, Rani, Neha, Sonam et Priya, excepté pour Rani, c’est la première fois pour chacune d’entre elles, elles sont folles de joie et je les comprends, ça récompense tous leur efforts et sacrifices, et ça récompense le club aussi car avec 6 présélectionnées, c’est les second club le plus représenté derrière Pune !


C’est sur cette bonne nouvelle que je dois quitter les filles pour l’aéroport, retournant sur Delhi le soir même pour pouvoir me préparer pour la compétition masculine qui commence cette semaine.


A ces filles qui ont entre 15 et 23 ans, qui sont toutes étudiantes où lycéennes, qui font 2 fois par semaine 3h de transport en commun pour venir aux entrainements et en repartir, celle-là qui sont parfois en conflit avec leur famille qui ne veulent pas qu’elles pratiquent ce sport , à Babli, Priya, Namita, Rani, Neha, Deepika, Jyoti, Sonam, Sangana, Gohar mais aussi Nivrati, Ria, Vanni, Laxmi et Babita, à ces filles je veux dire un grand Merci car je viens de passer un weekend et une année avec elles qui restera gravé longtemps dans ma mémoire, car elles sont la simplicité et la pureté incarnées, elles ne pensent pas à mal et cherchent simplement à vivre des moments dans l’instant sans arrières pensées seulement être avec des personnes qu’elles aiment et faire des choses qu’elles aiment. Hélas pour la plupart d’entre elles avec l’âge viendra le mariage et elles arrêteront le sport pour s’occuper de la maison, elles vivent dans une société qui ne leur laisse pas beaucoup de choix mais maintenant qu’elles sont jeunes elles en profitent un maximum et ne pensent pas à demain et je pense que c’est ce qu’on doit retenir de cela, profiter des moments que l’on passe avec ceux que l’on aime, à faire ce que l’on aime car demain sera un autre jours, donner sans compter, sans attendre rien en retour et recevoir quand même 10 fois plus.

Je ne sais pas si je suis pour beaucoup pour ce qu’elles sont aujourd’hui au niveau rugby, je ne sais pas si elles n’y seraient pas arrivées sans moi (surement),  si Sonam, Rani, Neha, Namita, Babli ou Priya vont atteindre l’équipe d’Inde, mais je pense avoir réussi à apporter un peu de bonheur à ces filles, et c’est ce qui aujourd’hui me serre le cœur car je serais arrivé à faire quelque chose, à apporter un minimum à ces filles pour qu’elles s’élèvent personnellement et peut-être qui sait arriveront à représenter un jour leur pays !

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